Memories

Publié le par Nathan

 

Je suis rentré avec Théodore. Il avait deux classes de plus que moi, et un super vélo. Moi pas. Je marchais à côté, mais il s'arrangeait pour ne pas aller très vite, ce qui était assez cool de sa part.

 

- Tu veux venir chez moi ? Il a demandé.

 

J'ai dis que je pouvais pas, à cause des devoirs. J'ai menti. Theodore à haussé les épaules, et je suis rentré. C'est très mal de mentir car c'est un péché mortel, parmi les plus graves qui existent ; on peut aller directement en Enfer si on meurt sans s'être excusé d'avoir menti. Mais j'avais pas peur. Que Theodore aille se faire foutre, avec son vélo.

 

J'ai jeté mon cartable par terre. Elle était assise devant la cheminée et elle me regardait comme si j'étais apparu trop vite dans la pièce, sans qu'elle ait eu le temps de me voir entrer.

 

- C'est moi, grand-mère, j'ai dis. C'est Billie.

- Billie ?

- C'est juste moi.

 

Elle n'a rien répondu, mais elle continuait un peu à avoir peur.

 

- Je suis rentré de l'école. Maman n'est pas là ?

 

Elle a fait non. Ca m'a un peu énervé. Parfois, j'ai l'impression qu'ils ne se rendent compte de rien. Pour la peine, j'ai sorti le beurre de cacahuètes.

 

- Tu en veux, grand-mère ?

- Qui es-tu ?

- Billie, grand-mère.

- Billie ?

- C'est juste moi.

 

Parfois, la nuit, je n'arrive pas à m'empêcher de pleurer en imaginant le désordre qu'il doit y avoir dans sa tête. Mes pensées à moi ne sont jamais trop bien rangées, parce que je suis jeune, c'est normal. Quand on est jeune les pensées sont comme des enfants elles aussi, alors elles passent leur temps à ne pas vous écouter et à faire n'importe quoi. J'aimerais bien pouvoir l'aider à ranger sa tête à elle. Elle doit se sentir vraiment perdue. Peut-être qu'elle ne reconnaît plus mon visage, ou ma voix, ou juste mon nom. Peut-être tout en même temps, et là alors ça doit être vraiment terrible, comme si c'était des inconnus qui vous parlaient à longueur de journée.

 

- Billie ?

- C'est juste moi.

- Billie ?

- C'est juste moi.

- Billie ?

 

Souvent, elle ne dit rien. Elle reste dans son fauteuil à regarder le vide. J'ai peur qu'elle oublie de faire ses prières le soir. Un jour mon père a dit un truc dégueulasse : « De toute façon, il ne lui reste pas beaucoup de temps. » Devant elle, en plus. On était en train de dîner. Je me suis énervé et je lui ai jeté ma fourchette à la figure. Elle lui est presque tombée dans l'oeil et il m'a mis une raclée, mais je m'en fichais. Après ça, grand-mère m'a passé une main dans les cheveux. « Tu es un bon garçon, Billie. »

 

Elle ne sait pas que j'ai crevé les pneus du vélo de Théodore, mais ça m'a fait plaisir qu'elle me le dise. C'est un mensonge par omission, ça compte autant qu'un vrai mensonge. J'ai toujours beaucoup de choses à raconter le samedi, dans la boîte qui sent le renfermé et qui s'appelle le Confessionnal. Je me dis que les gens qui n'ont jamais rien à dire, ils doivent mentir par omission. Et là c'est encore pire, parce que la confession, c'est le dernier truc qui existe pour te racheter. Mais ça, c'est juste valable pour les crétins de mon âge. Elle, elle ne fait sûrement jamais rien de mal puisqu'elle ne bouge jamais de la maison, et elle ne pense sûrement à rien d'interdit non plus puisque tout ce qu'il y a dans sa tête est complètement mélangé.

 

- Billie ?

- Tout va bien grand-mère, c'est juste moi.

- Oui, elle répond en hochant doucement la tête. C'est vrai. Tout va bien.

Publié dans Dyslexie western

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L
C'est de Jules Vallès. Ça fait partie d'une série de trois livres (appris sur Wikipratiqua).
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N
<br /> <br /> Ca me dit quelque chose, si ça se trouve je l'ai lu dans ma folle jeunesse.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Très sympa, comme je te l'ai dit. Ça me fait penser au livre "L'enfant" - que je n'ai pas lu - .<br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> C'est un livre de qui ?<br /> <br /> <br /> <br />